L'avis précédent (d'Éric Pagès) me fait réagir. Que doit faire selon vous le cinéma sinon refléter, aussi exactement que possible, le monde tel qu'il est vu par le cinéaste ? Mia est révoltée et son frère un peu ahuri et sans grand questionnement, mais ils sont représentatifs de la jeunesse actuelle, tout comme les autres personnages.
L'arc sociétal qui relie L'Auberge espagnole à Salade grecque est intéressant. Dans l'Auberge espagnole, par exemple, le début de viol qui se transforme ensuite en relation passionnelle et qui, à l'époque, ne choquait personne, est insupportable désormais (à l'occasion de la sortie de Salade grecque, j'ai revu le film et la scène m'est apparue comme une manifestation d' approches de la relation sexuelle désormais dépassées ). Et si c'est ainsi, c'est bien parce que le "non" de l'autre doit être entendu, respecté, sous peine de condamnation morale de la société, et c'est ce qui est mis en scène dans Salade Grecque, là où au contraire L'Auberge espagnole ne voyait rien de répréhensible dans le fait de forcer l'adhésion de l'autre. Évolution majeure de notre temps que ce droit revendiqué par chacun, et pas seulement par les femmes, à être respecté dans son refus de la relation d'intimité sexuelle proposée par autrui. C'est la notion de libre consentement qui est en jeu là .
Le rapport à la mondialisation aussi évolue dans le cinéma de Kaplisch, du bonheur béa d'une jeunesse qui, à l'époque de l 'Auberge espagnole, se découvre une famille internationale de la même génération aux problématiques migratoires qu'aborde en partie Salade grecque et qui sont engendrées par une mondialisation dont on sait désormais qu'elle est d'une grande brutalité économique et qu'elle a des conséquences délétères pour beaucoup d'êtres humains.
Le cinéma de Kaplisch colle à son temps et il a bien raison, car c'est ce qui en fait la signature, et ce qui rend passionnant le visionnage de son cinéma et de l'évolution des problématiques qu'il met en scène de décennie en décennie.