Le dernier livre de Philippe Claudel prête plus à la réflexion qu’au divertissement. Les descriptions d’une Allemagne nazie ne pourraient justifier ce titre, ô combien déroutant, si l’auteur ne révélait pas l’essence même de la nature humaine. En effet qu’ils soient acteurs ou victimes, déserteurs ou embrigadés, responsables d’hôpitaux psychiatriques ou simples agents d’entretien, ils apparaissent fétus de paille ou fruits de coïncidences hasardeuses, comme un fantaisie musicale se nourrit d’impromptus! Ici c’est le temps de la peur et de la mort. Il engendre l’incapacité de résister, de discerner le bien du mal, voire même de ne pas différencier un brouillon d’une œuvre d’art. Plus tard peut survenir un désir de faire éclater la vérité ou simplement de se venger d’une génération meurtrière. Ironie du sort : les protagonistes s’appellent tous Viktor. Mais la victoire espérée n’est pas à n’importe quel prix, c’est celui de la cruauté et du sadisme, du génocide, sans le moindre repentir, car chacun des Viktor a toujours fait ce qu’on lui a dit, même de déposer une petite Juive dans une fosse de morts. Alors ils s’éteignent peu à peu dans le noir d’une conscience pas nette, voire inexistante, celle qui a subi, obéi, hérité comme par transmission familiale. A une génération de séniles qui s’endort au son de la musique nazie succède une jeunesse parfois morte avant d’avoir vécu, parfois au contraire assoiffée de vie mais incapable de la moindre compassion. Philippe Claudel ne juge pas, il met en garde tout simplement !