David Heymann

Glacial et pointu: la destruction, le chaos, l'anéantissement, le raffut qui se perd dans l'assourdissement provoqué par une déflagration sans fin ..tout passe par le filtre saturé de la reporter Lee (incarnée avec excellence par Kirsten Dunst) et se décompose par le prisme de ses collègues. Une impression s'impose progressivement: cette sensation d'anesthésie sous la brûlure de la glace. Par un savant enchaînement de spectacles pyrotechniques, de zones où calme et torpeur se confondent, de menaces larvées et de terreurs brutales, tout l'espace envahi de tumulte et d'appréhension semble s'annihiler dans une insensibilité presque douce. Le degré zéro et celui ultime d'une guerre figée dans un masque incrédule que souligne nonchalamment, telle une berceuse inquiète, la musique envoûtante de la BO (notamment les froides et belles mélopées du groupe "Suicide"/Alan Vega & Martin Rev).

Les fausses certitudes humaines face aux vrais questionnements de la nature. Un film d'une grande légèreté, dans le sens le plus clair et simple du terme. Tel un oiseau dont le vol est une écriture directement reliée à notre âme. Un film où la compréhension, aussi profonde et juste que le regard d'un chien, nous atteint en imposant tout en douceur le silence au tumulte qui envahit chacun de nos instants, les remplaçant par l'oubli. Dans ce désert troublant, cette nuit sublime, des lambeaux de rêves se réunissent et s'ébauchent des voies inédites. Film sur la mémoire qui nous échappe, 'Animalia' est une aventure en suspens qui laisse flotter un parfum fantastique, celui de fleurs étranges, messagères de l'invisible en train d'apparaître. Entre l'adieu et la promesse, 'Animalia' est un présent de belles et vastes dimensions.

Les chemins fastueux, épiques, romantiques, du pays de la Magie sont des aventures à eux seuls. Captivants quand on les emprunte sans autre a priori que le regard d'enfant qui est quelque part dans un coin secret, inaltérable et mouvant, de notre œil; notre chambre magique personnelle. Bien sûr quand ces aventures sont agrémentées d'un récit riche et subtil c'est mieux. Ce film est un préambule à tout un ensemble d'histoires et celle qu'il développe ici, pour évoquer ce continent qui n'est que mythologie pour le reste du monde, concerne dans une large partie son essence animale - métamorphes indomptés si ce n'est par l'amour - sa composante la plus pure, asociale mais espiègle. L'idée est sympathique et judicieuse. Malgré quelques inévitables lieux communs, l'aventure est bien là, qui conduit aux franges occultes de la sorcellerie et peut mettre en marche notre double rêveur.

Belle cérémonie envers la vie que nous présente ce film généreux, simple, subtil. Par un regard et des gestes d'une profonde tendresse sur les êtres que la mort vient d'inscrire dans l'ultime moment qu'ils connaissent avant leur grand départ, cette histoire, telle une comptine intemporelle, nous rappelle aux rivages de toute aventure avec drôlerie légère et douce rigueur. Et bien sûr la sensualité de l'esthétisme japonais.

Film humble mais précieux, beaucoup plus profond et intense qu'il peut laisser paraître au début. Une sorte de conte métaphysique. Déconcertant, surprenant, il avance masqué, il prend des détours, ou des raccourcis, se promène dans l'énigme de la réalité, tel le petit cours exceptionnel dont bénéficie un des élèves de mme Géquil. Romain Duris est un proviseur lunaire-foutraque, malsain presque dangereux et innocent à la fois; ils sont plusieurs sous sa mèche outrée et son sourire de carnassier aux dents limées. José Garcia est excellent dans ce personnage doux et désopilant, énigmatique en fait. Isabelle Huppert maîtrise, l'air de rien, un rôle complexe tout en nuances et pourtant extrême.

Une comédie qui sait danser sur le fil ..le fil du rasoir. Sans trahir son engagement de conter une histoire, au gré du vivant, sans la figer dans l'idéologie ni l'enfouir dans la farce grossière, c'est un film au sourire large et franc, allégeant son cœur lourd d'une fraîcheur incisive. Une comédie généreuse qui sait s'amuser.

Un style qui aura fait école. Une cour de récré où les billes sont des balles de revolver et les règles, des lames bien acérées. Les personnages rivalisent d'inventivité dans cette ronde macabre, tout en empruntant aux grandes figures du classicisme sociopathe (incontournable paradoxe pour ceux qui entrent dans le club des méchants). Quasi absence de femmes au sein des cadres de cette pègre grand-guignolesque - outre les épouses et mères gitanes, les hôtesses explosives et les jumelles de glace, elles préfèrent sûrement œuvrer dans l'ombre, laissant aux bonhommes les brûlures des flammes et ces hérauts aux veines gorgées de liquide (bière, whisky, dollars) qui n'ont de sang que lorsqu'il jaillit, ne verraient pas les choses autrement, l'imagination c'est pour les affaires et les coups - ils sont les diamants bruts, elles brillent à l'horizon des évènements. 'Snatch' est un théâtre bien huilé, une machine qui ne s'arrête pas.

Clovis Cornillac est décidément un réalisateur habile et inspiré et, ce qui ne gâte rien, porteur d'une belle générosité (vu le choix des sujets qu'il met en scène, en vrai conteur, et d'un grand nombre de rôles qu'il a déjà pu incarner, avec en plus, brio et modestie). Après, notamment, le magnifique "C'est Magnifique!", ce film, plus classique, est tout aussi prenant, porté bien sûr par une excellente histoire sous la solide signature de Pierre Lemaître.

On ne la fait pas à l'inspecteur Charlie, avec son parler rauque et sa nonchalance éveillée elle agit bille en tête, un peu téméraire mais si sympathique. Sans vouloir à tout prix et toujours chercher la perfection, de temps en temps il peut être vraiment plaisant de suivre ce genre de série, malgré ou même en raison de ses défauts.

Une histoire simple, comme une méditation. Sans explications, des humeurs, des regards, des champs intérieurs où évoluent un homme et un chien, chacun sauvant l'autre de ses vacarmes, de ses clôtures. Une ode à la paix et à l'envie de continuer la route. Avec un Jeff Bridges toujours aussi magistral et subtil.