Comment qualifier le dernier ouvrage de Louis Mercadié, Pour ma soeur, publié aux éditions deBorée? La condition de la femme reste un sujet majeur de l'ensemble de son oeuvre mais ce dernier ouvrage en témoigne avec encore davantage de force et de conviction.Mais nous y reviendrons...Intéressons-nous d'abord à l'ancrage local de son oeuvre:les monts d'Aubrac déjà très présents dans L'enfant du buron et le village de Saint-Geniez d'Olt. C'est ainsi que l'auteur nous fait revivre avec le roman Pour ma soeur l'époque où la vallée du Lot exhalait le parfum des fraises. Nous participons à la récolte des fraises, la fête des fraises et apprenons l'histoire de son implantation en vallée d'Olt.
Naturellement le thème majeur reste la vie et le sort des femmes. Jeanne est une femme émancipée, chose rare à l'époque.Très soucieuse de son indépendance elle se moque des conventions et des préceptes de l'Eglise, ce qui lui attire les foudres de l'abbé Chaprouze, curé du village.En arrivant à Saint-Just elle est victime d'une double méfiance, celle qui s'exerce envers les nouveaux arrivants et celle qui s'exerce envers les femmes libres. Lucienne, la marguillière, lui voue une haine féroce.
Après la mort tragique de Jeanne c'est le sort de ses deux filles qui va porter l'espoir d'une amélioration de la condition féminine. Maintenant orphelines, Mathilde et Olympe sont séparées.L'auteur met en parallèle la vie des deux soeurs et comme dans L'enfant trouvé c'est la quête des origines qui va tisser l'intrigue du livre. La vie respective de Mathilde et Olympe nous tient en haleine, avec cette interrogation qui court tout le long du livre, parviendront-elle à se retrouver?
Tandis que Mathilde a une existence plutôt paisible, Olympe subit toutes les adversités d'une enfant volée. La violence est omniprésente dans sa vie. Victime du trafic d'enfants pendant la période franquiste elle subit les sévices des religieuses de l'orphelinat et voit son amie Sophia décéder sous les coups. Adoptée par Monsieur et Madame Valenciano elle découvre que Monsieur Valenciano frappe sa femme qu'il finit par assassiner. Très volontaire et déterminée, Olympe parvient à surmonter les épreuves et devient avocate, essentiellement pour défendre les droits des femmes.
Avec Olympe l'auteur est parvenu à créer un personnage très attachant, une belle figure de femme. Après les émouvantes retrouvailles des deux soeurs c'est elle qui met en place une stratégie visant à démasquer l'assassin de leur mère qui n'est autre que Lucienne, la marguillière! Cela nous conduit à l'attitude de l'Eglise de cette époque envers les femmes, attitude que
l'auteur ce cesse de dénoncer. C'est l'abbé Chaprouze, curé de Saint-Just qui en incarne les dérives et les excès. Il vilipende sans relâche les plaisirs de la chair et pour lui l'existence même des femmes est un blasphème.
Mais nous ne voulons pas tout révéler du déroulement de l'intrigue et laissons au lecteur le plaisir de la découverte...
Avec Pour ma soeur Louis Mercadié a renoué avec tous les thèmes qui lui sont chers: la condition de la femme, les répercussions des évènements historiques sur la vie des gens ordinaires, tout cela dans les monts d'Aubrac et la vallée du Lot où l'auteur a ses racines.
Si vous connaissez cette région vous retrouverez avec plaisir des noms de lieux familiers, sinon ce sera l'occasion de vivre un moment d'évasion...