« Les nomades sont les héritiers de nos pionniers, ils perpétuent avec dignité la tradition de l’Amérique, dit la sœur du personnage principal du sensible et poétique « Nomadland »filmé par Chloé Zhao.
Il y a l’espace américain, un espace dont Baudrillard écrivait qu’il était immoral. Il y a cet espace vaste, désert, parfois hostile ou in -accueillant et la volonté de Fern, Frances Mc Dormand de faire la route, d’être libre de son mode de vie ( le plus souvent dans son Vanguard au milieu des terrains vagues de fortune dont l’ouest Américain regorge tel un rêve défiguré), libre surtout de vivre dans ses souvenirs. Dans sa mélancolie droite.
Elle est en deuil, elle le vit par cette connexion-communion avec la Terre, elle cherche du travail, n’est jamais finalement en peine d’en trouver. Toutes les rencontres de Fern avec ses hôtes de passage orchestrées par le regard empathique et prévenant de la réalisatrice sont subtiles, empreintes de tendresse et d’amitiés hospitalières qui contrastent avec la dureté ou solitude des paysages.
France Mc Dormand ne veut pas se départir de sa maison-van, on pourrait croire qu’elle erre ou souffre, grande sœur de Sandrine Bonnaire dans « Sans toit ni loi », elle en a le volontarisme mais pas le désir de mourir.
« Tout ce dont on se souvient vit », c’est son credo et on sent le film animé par l’offrande du jeu de l’actrice redécouverte encore, époustouflante dans la mini-série Olive Kitteridge.
Une ligne sobre et délicate, aux confins du documentaire et du portrait de l’actrice en membre de la secte des sensibles errants anime le film d’une grâce tactile. Le film avance au miroitement franc de ces êtres unis par la route, l’avenir plein de souvenirs, l’autarcie, le tact sans pathos.